Sur la modalité grégorienne
Le chant grégorien est modal. À la différence de l’harmonie, qui fait chanter les notes simultanément en « accords », le chant grégorien les fait se succéder dans la durée, en monodie (c’est-à-dire un seul son à la fois). La mélodie se déploie à partir d’une ou plusieurs notes-maîtresses autour desquelles évoluent les autres notes selon des rapports d’affinité ou de tension. Ces rapports dépendent de la disposition des intervalles (tons & demi-tons) entre les notes, & du rythme naturel de la parole que soutient toujours la mélodie grégorienne. Chaque pièce a ainsi sa personnalité particulière appelée aussi « éthos ». Une pratique tardive à des fins pédagogiques a fait regrouper ces personnalités particulières en 8 groupes principaux qu’on nomme « les 8 modes ».
Pour chaque mode, voici la finale et la dominante, généralement considérées comme les deux notes-maîtresses ou « charpentes ».
Le premier mode a pour finale ré et pour dominante la.
Le deuxième mode a pour finale ré et pour dominante fa.
Le troisième mode a pour finale mi et pour dominante si.
Le quatrième mode a pour finale mi et pour dominante la.
Le cinquième mode a pour finale fa et pour dominante do.
Le sixième mode a pour finale fa et pour dominante la.
Le septième mode a pour finale sol et pour dominante ré.
Le huitième mode a pour finale sol et pour dominante do.
Toutes les pièces du chant grégorien ne rentrent pas systématiquement dans cette classification. D’autres éléments qui caractérisent la couleur modale d’une pièce peuvent intervenir :
- Des notes-maîtresses supplémentaires peuvent apparaître en plus des deux que l’on vient de citer ci-dessus pour chaque mode.
- Des notes-maîtresses peuvent glisser sur une autre corde de récitation supérieure ou inférieure.
- Une même pièce peut passer d’un mode à l’autre.
La modalité du chant grégorien lui confère l’originalité de sa liberté dans la composition et de sa sobriété dans l’expression.

Dom Matthieu Vassal